Olives de table: Les conserveurs continuent de résister

Malgré les faibles rendements de l’olivier et les faibles marges;
Les entreprises affûtent leurs armes face à une concurrence internationale;

Les conserveurs ont toujours fait preuve de résilience. Pour garder un marché même en cas de mauvaise récolte et de cherté des intrants, les transformateurs sont obligés de répondre à leurs clients. Sinon, ils risquent d’être doublement pénalisés et de perdre également leurs positions sur les marchés. Entretien avec le président de la Ficopam, Kamal Benkhaled.

– L’Economiste: La campagne de cueillette d’olive de table vient de se terminer et les échos font état d’une mauvaise récolte en baisse de 40% par rapport à l’an précédent. Quelles seront les conséquences pour votre industrie?
– Kamal Benkhaled: En tant que conserveurs d’olive, ce ralentissement nous affecte doublement: d’abord au niveau des prix d’acquisition des olives, mais aussi au niveau des quantités disponibles pour répondre aux programmes établis à l’avance auprès des pays importateurs. Enfin, la troisième conséquence, liée aux intrants est notre compétitivité au niveau international. Maintenant et comme nous ne sommes pas producteurs de statistiques, nous ne disposons pas de chiffres exacts, mais nous avons bel et bien noté une diminution de la production en amont. Preuve en est, les prix qui ont flambé et des annonces timides ici et là qui confirment que la récolte est nettement moins bonne que l’année précédente.

– Vous produisez et vendez à perte cette année?
– Ça peut nous arriver car nous sommes obligés de répondre à nos clients. Sinon, nous risquons d’être doublement pénalisés et de perdre également nos positions sur les marchés. Vous savez, il est très difficile de reconquérir un marché après une absence même d’une année dans un secteur très concurrentiel.

– La filière vit un paradoxe: la production avoisine 1,4 million de T/an mais la branche des conserves peine à dépasser les 90.000 T à l’export. Pourquoi?
– C’est simple. Les deux tiers de cette production vont à l’huile d’olive et ont été traditionnellement destinées à cette industrie. On pensait peut-être que l’huile d’olive était le sauveur de l’industrie de transformation et qu’en soutenant cette industrie, on allait permettre de développer aussi bien l’agriculture que les exportations d’huile d’olive. Historiquement, les conserveurs transformaient près de 120.000 tonnes d’olive fraîche. Il y a une petite partie vendue sur le marché local et la grande majorité qui va vers l’export.

– En théorie, le secteur oléicole et par ricochet, la filière de transformation bénéficie de plusieurs soutiens dans le cadre du Plan Maroc Vert. Pourtant, on a l’impression que la conserve recule…
– En réalité, la subvention a été plutôt orientée vers l’huile d’olive avec une tendance à l’extension des superficies qui a certes donné des résultats en termes de production d’olive. Par contre, l’industrie de la conserve continue de subir le déficit d’intrants et reste encore à la merci des prix fixés par les intermédiaires. Si on doublait les rendements, on pourrait peser sur les prix, les agriculteurs gagneraient de l’argent tout en vendant moins cher et les transformateurs en gagneraient en vendant plus. Concernant les subventions, un contrat programme a été signé en 2017 pour soutenir également la filière de l’olive de table pour seulement trois années sur 5. Et ce n’est qu’en décembre 2019 que nous avons commencé à recevoir les premières aides basées sur un système de calcul complexe et valable uniquement sous certaines conditions. On verra ce que ce soutien va donner…

– Il y a 20 ans, le secteur était 2e exportateur dans le monde et rassemblait une quarantaine d’exportateurs. Aujourd’hui, le nombre d’industriels de la conserve d’olive se réduit comme peau de chagrin. Qu’est-ce qui explique ce revirement?
– D’abord, il y a tous ces soucis d’intrants, de compétitivité à l’international et puis cette armada de contrôles et les attaques des concurrents. Cela demande beaucoup d’efforts et d’exigences. Enfin, les conserveurs sont des PME familiales et parfois lorsque le patriarche décède, il n’y a pas de relève. Or cette industrie demande une expertise, de la patience et de la résilience.

– Vous avez été récemment élu à la présidence de la Ficopam. Quelles seront les priorités de la nouvelle équipe?
– La force de la fédération réside dans son histoire puisque celle-ci remonte à 1967, et dans sa transversalité puisqu’elle ne touche pas qu’un seul secteur mais plusieurs. Nous sommes principalement des exportateurs et de ce fait, nos produits sont beaucoup plus connus à l’étranger qu’au Maroc. Et nous allons nous focaliser, lors de ce mandat, à valoriser le positionnement, le travail et l’expertise de nos entreprises et de la Fédération dans l’environnement national et international.

Fiche technique

Créée en 1967, la Ficopam est la plus ancienne association professionnelle agroalimentaire du Maroc. Elle regroupe plusieurs associations professionnelles représentant les industries de transformation des produits agricoles (olives de table, câpres, jus, épices, et conserves de légumes et de fruits). A l’origine, elle regroupait aussi les exportateurs de produits animaux, la scission fut actée en 1967.

Propos recueillis par Badra BERRISSOULE